Après-midi :
Nouveau texte. Incipit de Mateo Falcone
Document 6 Prosper Mérimée, Mateo
Falcone (1829)
Mateo
Falcone est l’une des nouvelles les plus célèbres de Mérimée.
Elle décrit les mœurs corses, que Mérimée avait étudiées.
L’action se situe sous l’Empire, pendant les guerres
napoléoniennes.
En sortant de Porto-Vecchio et se
dirigeant au nord-ouest, vers l’intérieur de l’île, on voit le
terrain s’élever assez rapidement, et après trois heures de
marche par des sentiers tortueux, obstrués par de gros quartiers de
rocs, et quelquefois coupés par des ravins, on se trouve sur le bord
d’un maquis très étendu. Le maquis est la patrie des bergers
corses et de quiconque s’est brouillé avec la justice. Il faut
savoir que le laboureur corse, pour s’épargner la peine de fumer
son champ, met le feu à une certaine étendue de bois : tant pis si
la flamme se répand plus loin que besoin n’est ; arrive que pourra
; on est sûr d’avoir une bonne récolte en semant sur cette terre
fertilisée par les cendres des arbres qu’elle portait.
Les
épis enlevés, car on laisse la paille, qui donnerait de la peine à
recueillir les racines qui sont, restées en terre sans se consumer
poussent au printemps suivant, des cépées très épaisses qui, en
peu d’années, parviennent à une hauteur de sept ou huit pieds.
C’est cette manière de taillis fourré que l’on nomme maquis.
Différentes espèces d’arbres et d’arbrisseaux le composent,
mêlés et confondus comme il plaît à Dieu. Ce n’est que la hache
à la main que l’homme s’y ouvrirait un passage, et l’on voit
des maquis si épais et si touffus, que les mouflons eux-mêmes ne
peuvent y pénétrer. Si vous avez tué un homme, allez dans le
maquis de Porto-Vecchio, et vous y vivrez en sûreté, avec un bon
fusil, de la poudre et des balles, n’oubliez pas un manteau bien
garni d’un capuchon, qui sert de couverture et de matelas. Les
bergers vous donnent du lait, du fromage et des châtaignes, et vous
n’aurez rien à craindre de la justice ou des parents du mort, si
ce n’est quand il vous faudra descendre à la ville pour y
renouveler vos munitions.
Mateo
Falcone, quand j’étais en Corse en 18…, avait sa maison à une
demi-lieue de ce maquis. C’était un homme assez riche pour le pays
; vivant noblement, c’est-à-dire sans rien faire, du produit de
ses troupeaux, que des bergers, espèces de nomades, menaient paître
ça et là sur les montagnes. Lorsque je le vis, deux années après
l’événement que je vais raconter, il me parut âgé de cinquante
ans tout au plus. Figurez-vous un homme petit, mais robuste, avec des
cheveux crépus, noirs comme le jais, un nez aquilin, les lèvres
minces, les yeux grands et vifs, et un teint couleur de revers de
botte. Son habileté au tir du fusil passait pour extraordinaire,
même dans son pays, où il y a tant de bons tireurs. Par exemple,
Mateo n’aurait jamais tiré sur un mouflon avec des chevrotines ;
mais, à cent vingt pas, il l’abattait d’une balle dans la tête
ou dans l’épaule, à son choix. La nuit, il se servait de ses
armes aussi facilement que le jour, et l’on m’a cité de lui ce
trait d’adresse qui paraîtra peut-être incroyable à qui n’a
pas voyagé en Corse. À quatre-vingts pas, on plaçait une chandelle
allumée derrière un transparent de papier, large comme une
assiette. Il mettait en joue, puis on éteignait la chandelle, et, au
bout d’une minute dans l’obscurité la plus complète, il tirait
et perçait le transparent trois fois sur quatre.
Questions :
1) Quels détails du décor participent, selon vous, du réalisme ?
2) Comment la nature vous apparaît-elle dans ce passage ?
3) Quel caractère de Mateo Falcone
se dessine dans cet extrait ?
Nous avons répondu à 2 de ces questions.
1) Mérimée place d'emblée le lecteur dans un contexte réaliste en fournissant de nombreux détails géographiques. D'abord, la référence à la ville de Porto Vecchio permet de localiser l'action de la nouvelle. Ensuite, il décrit le paysage corse avec netteté en offrant au lecteur un véritable itinéraire de l'île.
2) La nature paraît sauvage et inhospitalière. Elle a un aspect protecteur pour les meurtriers mais aussi inquiétante.
Pour jeudi 13 : finir les questions.
N'oubliez pas : si vous avez envie de venir au théâtre voir Roméo et Juliette le dimanche 13 novembre à 14H à la Comédie française, apportez votre participation à l'intendance ou dans mon casier dans une enveloppe. (10 euros)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire